Recruté par Larbi Ben M'Hidi

                    Le docteur Georges Counillon
        Premier médecin au maquis des Aurès


Parti directement de l'Hôpital Psychiatrique de Blida au maquis des Aurès

Le jeune médecin algérien communiste, Georges Counillon, psychiatre à l'hôpital psychiatrique de Blida (HPB) - déjà prêt à s'engager dans la lutte armée - fut recruté, l'été 1955, par Larbi Ben M'Hidi, un des six premiers dirigeants du FLN-ALN pour organiser un hôpital au maquis des Aurès pour soigner les moudjahidine blessés au combat. Il avait répondu à l'appel que le dirigeant du FLN-ALN avait adressé au Parti communiste algérien (PCA) pour l'aider à trouver des médecins (source : Socialgérie-témoignage de Sadek Hadjerès). Il abandonna ainsi le poste qu'il occupait depuis un an à la division dirigée par le docteur Frantz Fanon, appelé par le devoir. 

Malheureusement, le docteur Georges Counillon ne put accomplir sa mission. Il fut assassiné (égorgé) dés son arrivée au maquis. Comme le souligne Mansour R. dans son ouvrage Les maquisards : pages du maquis des Aurès, la guerre de libération : "Il (le docteur Mahmoud Atsaména qui avait rejoint le maquis en 1957) qualifie la Wilaya I de wilaya insupportable en raison du climat de confusion qui y régnait". Le docteur Georges Counillon, envoyé par Larbi Ben M'Hidi, fut victime de ce climat m'a dit Tahar Ouettar, auteur du roman L'AS, au cours d'un entretien qu'il m'a accordé quelques mois avant sa mort. La situation de troubles tribaux qui régnait dans les Aurès a été décrite par Tahar Zbiri dans son livre autobiographique. Le docteur Georges Counillon, ne fut pas le seul à être assassiné par ses compagnons d'armes. Ses camarades le bâtonnier Laïd Lamrani, Roland Siméon, Georges Raffini, Abdelkader Belkhodja, et André Martinez connurent une mort atroce;

Georges Counillon est né en Algérie, à Détrie (aujourd'hui Sidi Lahcène), un village de colonisation d'exploitation agricole où dominaient en nombre les immigrés européens. Un de ses proches parents était maire de ce village situé à six kilomètres au sud-ouest de la ville garnison de Sidi Bel Abbès.

En 1928, à la faveur d'un mouvement du personnel enseignant, ses parents instituteurs s'installent à Alger, au quartier du Champ de Manoeuvres.

Après des études primaires à l'école de la rue Daguerre, au centre d'Alger, où sa mère enseignait, Georges Counillon entre, en 1937, en classe de sixième au Grand lycée d'Alger (qui prendra le nom de lycée Bugeaud en 1941) où son père est professeur agrégé d'Arabe.. Suite au bombardement du lycée par les Allemands en novembre 1942, il termine ses études secondaires au collège moderne de la rue Lazerges, à Bab el Oued (quartier d'El Kettani). A Bab el Oued, sa mère était devenue directrice de la maternelle. Elle eut Josette Audin (née en 1931) comme élève  

En 1944, il entre à la Faculté de médecine d'Alger. Il milite avec Maurice et Josette Audin, les frères Timsit, Yves Lacoste, Georges Hadjadj, Sadek Hadjerès, Salah Mohand Saïd, Hamid Gherab, à la cellule des étudiants communistes (cellule Paul Langevin. Le local était situé à la rue Négrier, derrière la rue d'Isly). Il participe à la rédaction et à la diffusion du journal de la cellule, L'Etudiant communiste.

Il se serait rendu, pour une spécialité en psychiatrie, à la faculté de médecine de Lyon (ville où séjourne fréquemment son frère aîné, Pierre-Frédérik, romancier). A l'hôpital de cette ville universitaire, il rencontra Frantz Fanon (témoignage du docteur Alice Cherki) qui avait suivi l'enseignement du docteur François Tosquelles sur les méthodes de sociothérapie pratiquées à l'hôpital Saint Alban. 

Il serait revenu à Alger en 1953 pour poursuivre ses études à la Faculté de médecine d'Alger

Il habite  alors à Alger, près de l'Université, au 24 rue de Nîmes (m'a dit Josette Audin qui habitait l'immeuble d'à côté, au n° 22).

Il est ensuite interne à l'hôpital psychiatrique de Blida (HPB) où il retrouve le docteur Frantz Fanon comme chef de division qui applique les méthodes de sociothérapie contre la psychiatrie coloniale. A la fin de l'année 1955, il quitte l'hôpital pour le maquis des Aurès (m'a dit mon oncle Ali Longo son camarade de Parti). Il était passé par Constantine puis par Batna pour rejoindre le maquis par la filière de l'ALN.

A Blida, où il vécut une année, il milita au PCA (m'ont dit Bachir Korchi et Mohamed Kerrouche). Il fit partie du réseau local des Combattants de la libération (CDL).

Il était marié à une institutrice et père d'un enfant.

 Il est mort en même temps que Maître Laïd Lamrani, bâtonnier de Batna, Georges Raffini, Abdelkader Belkhodja, André Martinez et Roland Siméon, tous. assassinés (égorgés) pour avoir refusé d'abjurer leurs convictions communistes, comme il le refusa lui-même. 

Dans Les Tamiseurs de sable, le docteur Mohamed Larbi Madaci, qui a recueilli le témoignage d'Adjoul, chef, un temps, du maquis des Aurés, ("Adjoul m'a affirmé" écrit-il) donne des éléments d'information ; (Dans un entretien, il m'a confirmé ses propos):

 "C'est vers la première semaine de novembre 1955 que Laïd Lamrani et un camarade européen quittent Batna. Grâce à la filière clandestine du FLN, ils sont dirigés vers le PC régional de Ouistili où ils s'arrêtent quelques jours. Ils y séjournent en compagnie de Lamouri, Omar Ben Boulaïd, un certain Amor le peintre. Ils mangent chez Salah Idara qui, un jour, revient tout joyeux de Batna, le journal du jour à la main : Mostefa s'est évadé !

"(...) Les deux communistes sont ensuite conduits par Ali Benchaïba au mont Ahmar Khaddou, puis à S'Raa El-Hammam. (...) A S'Raa El-Hammam, Adjoul les accueille en hôtes de marque.(...) Mostefa Ben Boulaïd, (retourné au maquis après son évasion de la prison de Constantine) exige de Lamrani qu'il abjure formellement le Parti communiste ... ("Communiste je suis, communiste je resterai jusqu'à la mort", avait dit auparavant Laïd Lamrani)". C'est ce qu'aurait dit aussi leur camarade,  le docteur Georges Counillon.

Mohamed Larbi Madaci écrit plus loin : "Celui-ci (il s'agit de Mostefa Ben Boulaid) donne l'ordre à Adjoul de procéder à l'exécution. Bicha, qui a assisté à l'exécution, raconte : Les deux communistes ont été tués à Ksar Ouled Aïssa, tôt dans la matinée."

Sur cet épisode, Mohamed Larbi Madaci a ainsi recueilli les témoignages d'Adjoul et de Bicha

Mostefa Ben Boulaid et Laïd Lamrani, tous deux originaires des Aurès, se connaissaient bien avant le déclenchement de l'insurrection. Le 4 novembre 1954, à Ouled Si Amrane, Mostefa Ben Boulaïd, accompagnés de deux autres chefs du FLN, avait rencontré Laïd Lamrani, dans la plus stricte clandestinité. L'échange fut amical entre les deux militants du mouvement national.

L'historienne Ouarda Ouanassa Siari Tengour m'a confirmé qu'il n'y avait pas de médecin au maquis des Aurès avant l'arrivée du docteur Georges Counillon en 1955. Le docteur Mahmoud Atsamena est arrivé au maquis en 1957, après la disparition tragique de son confrère

Le docteur Georges Counillon et ses cinq compagnons sont morts sans sépulture.

 

(le travail de recherche se poursuit)


Mohamed Rebah
Chercheur en histoire
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