MUSTAHA SAADOUN : SUR LES SENTIERS  DU MAQUIS DE CHERCHELL

 

 par Mohamed Rebah 

(Tiré du livre Des Chemins et des Hommes)


 

1 - SOUAHLIA.

Mustapha et le petit  groupe armé, formé à la ferme de Smail Kaddour, à Oued Ebda, traversent la barre rocheuse des Braz. Ils arrivent sur le plateau abrupt et sauvage d’Oudhan – Tachta, coupé sur toute sa largeur par la vallée profonde d’oued Kebir.

L’A L N est présente dans cette partie du Dahra orientale depuis quelques jours. Ahmed Ghebalou et Ahmed Noufi, natifs tous deux de Cherchell,  sont venus des monts de Beni Micera, envoyés par Amar Ouamrane. Ils ont pour mission d’implanter l’ALN dans leur région natale.

Les dix hommes armés qui les accompagnent sont originaires de différents coins du pays. Younès Mohamed, qui les a côtoyés,  se souvient d’eux : Mokrane, originaire de Kabylie, Rachid, d’Alger, Abdallah, d’Oran, Ahmed, de Chebli, Belkacem, de Soumaa,  Medihoum, de Bouinan, Omar de Bir Ghebalou, Hadj, d Affreville ( Khemis-Miliana), Hamid et Soufi. Ces derniers  ont fait la guerre d’Indochine. Ils sont les deux premiers chefs de groupe.

Rachid et Abdallah sont des déserteurs de l’armée française. Hadj, ancien militant du MTLD, a dirigé un groupe S M A.  

Mustapha se dirige vers le sud – ouest à travers le chemin de chèvres. Son arrivée au maquis est annoncée à Souahlia, une fraction du douar Beni Mileuk. Là, il rencontre Ahmed Ghebalou. Leurs familles se connaissent.

Ahmed Ghebalou, fils de commerçant, a quitté les bancs du lycée franco-musulman de Ben  Aknoun (Alger), au mois de mars 1956, et rejoint le P C de la région d’Alger, dans la montagne de Béni Micera.

2 - ADOUIYA.

Ahmed Ghebalou, que nous appellerons par son nom de guerre H’mimed, fixe son choix sur

Adouiya pour implanter les premiers jalons de l’A L N.

Adouiya, une fraction du douar Béni Mileuk, est située à plus de cinquante kilomètres au sud – ouest de Cherchell. Les conditions naturelles du lieu sont favorables à l’installation d’un maquis. Du pic dénudé on observe la mer et les hauts – plateaux de l’arrière-pays. Adouiya est à mi-chemin de Dupleix (Damous) et de Carnot (Abadia). La région est dominée par la famille ancestrale des Ghobrini. Le maquis qui s’installe colle aux djebels Hanngout et Sidi Bernous. Le lieu est favorable au repli.

Le taleb Si Ahmed, contacté à partir d’Affreville (Khemis-Miliana), sa ville natale, a préparé le terrain. « C’est un homme influent. Il rayonne sur la zaouia » dit Mustapha. La kobba sert de lieu des premières réunions.  

H’mimed charge Mustapha de l’organisation du secteur.  Dans ces lieux escarpés, éloignés de la côte, l’ignorance est criante. « Il faut combattre avec beaucoup d’habileté l’idolâtrie », dit Mustapha.

Tout est à faire :

- recruter des moussebiline

- organiser le ravitaillement

- aménager des caches

- construire des abris

- organiser les liaisons et les renseignements

« De là, s’est faite la jonction avec le maquis de Ténès », dit  Mustapha. Djebel Bissa est

juste au nord.

3 - DOUAR BOUHLLAL.

L’implantation du maquis au douar Bouhllal est facilitée par des hommes comme Bouridje Abdelkader qui a préparé les premiers refuges avec l’aide de ses proches.

H’mimed, dès son arrivée  sur les  lieux,  rassemble les montagnards. Les nouvelles recrues de la ville de Cherchell sont là. L’équipe fanion du Mouloudia est presque au complet : les frères Bendifallah, Ali et Mahieddine, Zegrar Abdelkader dit Akchiche, Younès Abdelkader, Bouchema Lakhdar, Youcef-Khodja Abderrahmane, Roumani Tayeb, Bouamrani Mohamed, Fendjel Mohamed, Tayeb Abdelkader, Rebzani Yahia. Sont là également Hakem Hamid (un ancien membre de la section de Cherchell du P C A), Chenoui Amar, Younès Mohamed, Ben Allel Mustapha, Bellahcène Sadji, Cherfaoui Abdelaziz, Benmiloud Djelloul, tous les  quatre évadés de la prison de Cherchell depuis plusieurs semaines. Ils ont erré dans la montagne avant de rencontrer le groupe. .

« C’est moi qui ai reçu tous les jeunes venus du Mouloudia dont  je suis, avec Omar Heraoua, un des membres fondateurs.

 

4- LES ARMES DE MAILLOT.

Les armes de Henri Maillot, amenées par Mustapha de la ferme de Smail Kouider,  à Oued Ebda, où elles étaient en transit, sont réparties entre les djounoud. La mitraillette Thompson fait l’objet d’une vive discussion. Ahmed Noufi, que tout le monde appelle Abdelhaq,  la veut. Elle lui revient finalement. Il la remettra après à Chémayenne  Moussa. Moha-Bouzar, venu du maquis du Zaccar, prend une part du lot.

Mustapha apprendra, après la guerre, que la cheville ouvrière du transfert des armes de Blida à Oued Ebda a été Odet Voirin. L’histoire du transport des armes enlevées par Henri Maillot le 4 avril 1956 est à écrire. La chaine humaine formée par Hamid Allouache, Nour Eddine Rebah, Denise Duvalet, Jocelyne et Auguste Chatain, Belkacem Bouguerra, Jean Farrugia, Célestin Moreno, Marcel Montagné, Bachir Korchi, Docteur Jean Masseboeuf, Nicolas Zanettacci, a usé d’ingéniosité pour que ces armes arrivent entre les mains de l’A L N.

5- LE COMMANDO DE ABDELHAQ..

Abdelhaq  s’appuie sur les éléments  formés dans l’armée française pour constituer  son commando de choc. Les groupes se forment autour de ceux qui ont fait la guerre d’Indochine ou « le peloton ». Ces groupes  effectuent d’incessants déplacements à travers la montagne. Leurs premières tâches consistent à protéger les fidaiyine qui s’approchent des centres de colonisation pour commettre les attentats. « Les sabotages sont exécutés selon un calendrier bien  établi, raconte Mustapha. Il y a la nuit des poteaux électriques, la nuit des poteaux téléphoniques, la nuit du sabotage des routes le long de la côte, la nuit des incendies de fermes et du sabotage de la vigne, etc. »

A chacun de ses passages dans les douars, Abdelhaq renforce son commando. A Béni Berri, il prend Yahia, à Béni Bouaiche, Moussa. Les deux ont appris l’art de la guérilla en Indochine. Au sud de Cherchell, ils sont rejoints par Abdi Abdi qui a fait lui aussi la guerre d’Indochine. « C’est un vigoureux montagnard qui porte sur ses épaules une mitrailleuse comme on porte un porte-plume », dit Mustapha. « Concernant Chemayenne Moussa, un tireur hors pair qui a rejoint le groupe lors de notre passage à Sidi Semian, j’ai insisté, poursuit-il, pour qu’on le prenne. Comme il servait de guide aux Européens dans la chasse au sanglier, dans la période qui a précédé l’insurrection, on ne voulait pas de lui. Je l’ai protégé. Il s’est conduit en héros. Il est mort à Koudiet Bel Lazem, près de la ville, au-dessus de la Pointe-Rouge. A la suite  d’un attentat réussi, les militaires français l’ont pourchassé. Il a bataillé jusqu’à la dernière cartouche, seul contre tous.


 

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